Le salaire de la peine

Il y a quelques mois, dans les rayons de ma librairie de quartier, je suis interpelée par la couverture d’un livre Le salaire de la peine. Que peut bien recouvrir ce titre choc ? La quatrième de couverture est tout aussi frappante:

«En France, la souffrance au travail se porte bien: 30 000 burn out, 3,2 millions de personnes en danger d’épuisement, 400 suicides par an… Un marché économique s’est donc créé autour des risques psychosociaux…».

Les mots justes à
propos de la souffrance au travail

L’auteure Sylvaine Perragin est psychopraticienne du travail
et observe, depuis 20 ans, l’évolution du monde de l’entreprise avec une
attention et une intelligence rares. Son analyse est passionnante et décille
les yeux. Elle met les mots justes sur un phénomène que nombre d’entre nous
connaissons, voire subissons, au travail: cette course à la rentabilité
épuisante et souvent stérile malheureusement; le traitement des
ressources humaines en tant que produits ou stock disponible;
l’injonction à s’auto-contrôler sans arrêt:

«Synergies,
optimisation, performance, projets, c’est le corps du salarié lui-même qui doit
devenir une petite entreprise où tout se gère, les relations sociales, le
temps, le stress, la souffrance, le bonheur…» écrit-elle.

Le business de la
souffrance au travail

Sylvaine démontre avec brio comment les outils du «mieux-être» en entreprise peuvent devenir la version dure de l’optimisation, y compris bien entendu les cours de méditation ou le management bienveillant qui font parfois frémir les salariés dans certains grands groupes… En effet, déclare-t-elle au journal Libération en avril dernier«L’obligationd’êtreheureux autravailfera bientôt partie desobjectifs à atteindre!»

Rencontre avec une
femme remarquable

Ce livre m’a bouleversée par sa clairvoyance. J’ai donc pris
contact avec Sylvaine Perragin pour faire plus ample connaissance. Et j’ai
rencontré une femme entière et profondément humaine. La manière dont elle
analyse le langage utilisé par le management et les cabinets conseil est
passionnant:

Comment est-on passé en 20 ans du terme souffrance au travail au terme bien-être au travail pour décrire le même phénomène? Et comment l’évolution de cette sémantique révèle un déni de réalité ?

Comment a-t-on pu laisser de nombreuses relations toxiques
devenir la normeen entreprise?

De quelle manière les différents Observatoires de stress mis en place dans les grandes structures
ont-ils généré encore plus de stress et d’événements dramatiques?

Fabrice Midal dit souvent que pour mieux comprendre notre
époque, il s’agit de la voir clairement. Sylvaine Perragin partage avec
générosité une certaine vérité de l’entreprise qui peut toutes et tous nous
aider à mieux voir ce que nous vivons.

Et par conséquent, à le vivre différemment.

Soirée ouverte à la
Maison de la méditation

J’ai proposé à Sylvaine Perragin de venir faire une présentation de son travail et de sa vision le 17 janvier 2020 à la Maison de la méditation. La soirée est gratuite et ouverte à tous.

Sylvaine Perragin – Paris, le 12 décembre 2018

Le lendemain j’animerai une journée d’enseignements et d’exercices autour de l’entreprise et la méditation :

En quoi la méditation, telle qu’elle est transmise dans l’Association Serenissance, peut-elle nous aider à retrouver un rythme plus humain?

Comment peut-elle nous éviter le piège du bien-être à tout
prix?

Comment découvrir de nouvelles ressources vitales?

Le fantasme de
l’entreprise feel good

Terminons par un autre extrait de son livre paru dans la collection Don Quichotte (ça ne s’invente pas!) au Seuil:«L’image fantasmée d’une entreprise feel good révèle également une peur bien concrète: celle du conflit. Une peur si présente qu’elle va jusqu’à annihiler le débat contradictoire: tout échange un peu vif est considéré comme une violence insupportable, il n’est plus possible d’être en désaccord, le consensus est la règle. Dès que la passion s’empare de quelqu’un, il faut immédiatement stopper la discussion et de demander à la personne de prendre rendez-vous chez le psy de l’entreprise.»

Une belle description de ce que Chögyam Trungpa aurait
appelé la compassion idiote…