Se faire le cadeau de ne rien faire

Faire

Faire des listes, des courses, des livres, des cours, du sport, à manger, ses comptes, sa lessive, le ménage, son agenda, de l’ordre dans ses mails … Et recommencer. Et recommencer.

Dans l’existence, je fais beaucoup. Je travaille beaucoup
et, si j’y regarde d’un peu plus près, il y a derrière ce «faire»
une tentative quasi désespérée d’arriver à éponger à un moment tous les
«faire» à faire pour arriver … à ne plus rien faire!

Et alors, enfin, j’aurais le temps de ne plus rien faire, de me reposer, méditer, lire, laisser libre cours à mon imagination créatrice…

Cette course poursuite derrière cet instant idyllique où tout serait enfin accompli me fait ressembler bien des fois au lapin blanc dans Alice au Pays des Merveilles qui court après le temps, sa montre à gousset à la main.

Tellement prise par ce qu’il reste encore à faire, j’en
perds le goût de ce que je suis en train de faire, maintenant, dans le présent.

Main-tenant

Je ne tiens plus par la main le présent. Il s’effiloche et tout devient alors pesant, fatiguant, lourd, un pensum de plus.

Lorsque je suis assise sur le coussin, je constate l’illusion de l’accomplissement total de tout par mes multiples actions. Je constate que je peux me détendre avec cela et arrêter cette course infernale, j’arrête d’être Sisyphe. Je prends acte du fiascoet je me fous la paix. Cela ne pose aucun problème car c’est la marque même de la finitude humaine. Nous ne sommes pas des super-héros ou des robots. Sur le coussin, je fais la paix avec ma condition humaine.

Et, en retour, les miracles de cette condition m’apparaissent.
J’apprends à n’être que là où je suis, dans ce geste, cette
parole, cette action, je peux apprendre à y être entièrement.

En pratiquant la méditation, je rencontre le plus simple: ce qui est là pour moi, juste là. Il ne manque rien à ce maintenant. Je peux m’y tenir fermement. Tout à coup, tout est beaucoup plus intéressant, plus passionnant, plus dense. Et, surprise, en m’octroyant ce cadeau de «ne rien faire», je n’ai pas du tout moins de temps pour tout ce que j’entreprends, au contraire même. J’y suis plus disponible et plus engagée.

Ce «ne rien faire» est riche et précieux car il participe à la reconfiguration radicale de mon existence, à partir d’un lieu auprès duquel il est toujours possible de me ressourcer.